We4Planet - Quel est votre vision sur
les actions menées depuis la COP21 pour le Climat, quel a été l'apport
fondamental de la COP22 ?
Depuis la
COP21, nombreux pays ont renforcé leur action de lutte contre le changement
climatique. Plus de 140 pays ont ratifié l'accord de Paris et prennent des
mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, telle que la mise
en place de marchés ou de taxes carbones (il en existe dans 40 pays aujourd'hui).
Les pays émergents et moins industrialisés sont davantage sensibilisés et
engagés dans un développement propre. La Chine est très motrice de
l'investissement dans les énergies renouvelables. L'Afrique du Nord et
l'Amérique latine offrent également de beaux exemples de projets en la matière.
Nous sommes très loin du point d'arrivée, mais la transition écologique est
bien engagée.
Surtout, ce
sont les collectivités locales et les entreprises qui accélèrent la transition
énergétique. La COP21 n'est pas à l'origine de leur mobilisation mais elle a
certainement contribué à son accélération. Les coalitions de collectivités
locales (C40, R20, Iclei, CLGU, Energy Cities..) sont nombreuses à
échanger des bonnes pratiques, prendre des engagements communs et à militer
pour un changement de paradigme économique, social et environnemental. Elles
sont une force de plus en plus écoutée.
La COP22 n'a
pas été une conférence révolutionnaire, mais elle a au moins confirmé cet
engagement des Etats, des collectivités et des entreprises pour atteindre les
objectifs fixés dans l'accord de Paris (dont celui de 2 degrés de réchauffement
atmosphérique d'ici à 2100, comparé à l'ère préindustrielle). C'est à Marrakech
qu'ils ont lancé les négociations officielles dans le cadre de l'Accord de
Paris et qu'ils ont précisé le travail mené par les acteurs non étatiques
(notamment celui qui est piloté par les deux figures désignés comme
"champions" du climat).
La COP22 a
aussi exposé des actions concrètes, par exemple le plus grand parc d'énergie
solaire du monde qui se met en marche actuellement au Maroc.
We4Planet - Quel impact aux USA après
l'élection de Trump ? Quelle mobilisation? Pensez-vous que la
mobilisation des leaders donnera ses fruits ?
L'élection de
Donald Trump a certainement affaibli la confiance en la lutte contre le
changement climatique dans le court et le moyen terme. Son élection, en plein
milieu de la COP22, a diffusé des ondes négatives au sein des négociations,
malgré la bonne volonté de nombreux négociateurs.
Donald Trump,
un climato-sceptique, recule sur la politique climatique et environnemental des
Etats-Unis de manière inquiétante. Il a donné son feu vert à deux grands
projets d'énergie fossile qui étaient bloqués auparavant par Barack Obama (les
oléoducs XL et du Dakota Access). Il engage le démantèlement du plan national
d'énergie propre également élaboré par son prédécesseur. Il supprime des
réglementations pour protéger la biodiversité telle que la faune sauvage en
Alaska. Enfin, Trump dit qu'il prendra bientôt une décision quant au maintien
des Etats-Unis dans l'Accord de Paris. Sa promesse de campagne était d'en
sortir.
Cependant,
Donald Trump ne peut pas tout défaire sur le climat dans le pays très
décentralisé des États-Unis, et encore moins en seulement quatre ans. Les états
fédérés sont fortement mobilisés en faveur de la transition écologique,
certains encore plus depuis son élection. C'est le cas de la Californie qui
augmente actuellement son ambition sur les énergies renouvelables, l'efficacité
énergétique et l'agriculture durable. Les villes, les associations et même les
entreprises américaines ne comptent pas revenir en arrière sur la reconversion
de l'économie vers des nouvelles technologies et des nouveaux emplois verts, dans
le solaire et l'éolien par exemple.
A
l'international, il y a une incertitude sur l'effet Trump sur la lutte contre
le changement climatique. La majorité des états ne souhaitent pas non plus
revenir en arrière et reconnaissent que la COP21 était un point de départ.
Cependant, si les Etats-Unis en font moins, les autres devront faire plus. Ceci
est une proposition compliquée à accepter pour des pays Africains ou pour
l'Inde qui subissent une pauvreté extrême d'une grande partie de leur
population, notamment à cause du manque d'accès à l'électricité. C'est le cas
de plus de 600 millions africains et de 300 millions indiens.
We4Planet – Quel est l’impact de la
géopolitique sur les actions pour le Climat ?
La pauvreté,
les tensions et les conflits dans le monde sont aggravés à cause des
conséquences du changement climatique. Le plus d'un million de Syriens
qui ont subi la sécheresse et qui ont quitté les territoires ruraux pour se
concentrer dans les villes est un exemple probant de cette exacerbation des
impacts de conflits armés. Parmi plusieurs autres facteurs, l'eau fait aussi
objet de négociation tendue dans le conflit historique israélo-palestinien. La
pauvreté de la population de la région de la Nouvelle Orléans l'a rendu
d'autant plus vulnérable à l'ouragan Katrina qui a dévasté le territoire en
2006.
Ce ne sont
que quelques exemples et nous voyons que tous les pays, pauvres ou riches,
devront gérer le changement climatique.
La
préservation du climat dépend de la volonté des états à coopérer et à être
solidaire. Or, nous percevons une remise en cause de cette coopération dans des
élections et référendums nationaux récents (Brexit, Trump, candidatures de
Marine Le Pen et montée d'autres extrêmes droites en Europe). L'attitude de
Vladimir Poutine sur le climat est aussi problématique.
Certes, il
faut revoir le libre-échange, accélérer l'harmonisation fiscale et sociale dans
le monde, délocaliser et verdir la production agricole et industrielle. Mais
coopérer moins entre nous et se recroqueviller sur nous-mêmes ne permettra pas
de répondre aux enjeux mondiaux d'aujourd'hui.
We4Planet – Vous êtes maître de
conférences et chercheur chez Sciences-Po, quel est le but de vos recherches
actuelles ?
Mes
recherches actuelles portent sur la politique de l'environnement, la politique
américaine et la politique de l'agriculture durable. Ce sont des thèmes
intimement liés car la préservation de l'environnement dépend de notre modèle
agricole à l'échelle mondiale. Et ce dernier est fortement influencé par
Washington.
Je tiens à
étudier les liens entre les choix politiques, la préservation de
l'environnement et le bien-être des citoyens.
We4Planet – Quelle est l'ambition de
votre ouvrage Le Déni Climatique ?
Le déni
climatique, coécrit avec l'économiste Thomas
Porcher, vise à expliquer que nous ne pouvons pas espérer lutter contre le
changement climatique en fixant des objectifs ambitieux lors des négociations
sur le climat (à la COP21 par exemple) si nous ne prenons pas des décisions
cohérentes avec ces objectifs dans les instances de décisions économiques : à
l'OMC, dans les traités de libre échange, dans le choix des indicateurs de
développement (notamment le PIB), et dans l'encadrement des marchés.
Mon livre sur
les élections américaines de 2016, Allô Houston ! Les Etats-Unis vus
par un Américain en colère, est une analyse des trente-cinq dernières
années de la politique américaine. Je constate que sur la même période il y a
eu une hausse phénoménale des financements privés des campagnes
électorales et des dépenses en lobbying à Washington, des inégalités
sociales et de richesse, des émissions de gaz à effet de serre, ou encore de
l'usage des pesticides dans l'agriculture. En même temps, il y a eu une baisse
considérable des salaires des classes moyennes, de la participation dans les
syndicats des travailleurs, des mesures de protection de l'environnement et
globalement de la confiance des citoyens en leurs institutions et leurs
responsables politiques.
C'est en
observant ces tendances que je réalisais pourquoi un candidat avec aucune
expérience politique et avec un discours extrême ait émergé pour finalement
être élu. Malheureusement, je pense que ce personnage n'a pas compris les
enjeux du XXI siècle : redéfinir la richesse et comment nous la partageons, ce
qui passe par créer plus de solidarité et plus d'harmonie avec la Nature, et
non l'inverse.
We4Planet – Quel retour d'expérience de
vos actions au sein de CliMates, du REFEDD ou encore en tant que Conseiller
climat auprès du Président de l'Assemblée Nationale ?
L'éducation,
tout au long de la vie, est la meilleure solution pour qu'on améliore notre
façon de vivre. C'est pour cela que j'ai été si ému et fier de pouvoir cofonder
CliMates
et de participer au Refedd.
Avec des défis si complexes que le changement climatique, la perte de la
biodiversité, la dégradation de la santé à cause de la pollution parmi
d'autres, il est essentiel de donner une longueur d'avance aux décideurs de
demain. C'est ce que nous essayons de faire dans CliMates
et au Refedd,
en plus de créer des liens entre les personnes pour favoriser le
collectif.
Je ne suis
plus membre actif de ces belles associations mais suis et observent de loin
comment elles continuent de former et d'inspirer des jeunes à s'engager en
faveur d'une société plus écologique, juste et solidaire.
En tant que
conseiller sur le climat au cabinet du Président de l'Assemblée nationale, j'ai
appris la complexité qui est celle de poursuivre une politique environnementale
ambitieuse dans un contexte d'économie et de finance mondialisées, de société
social-libérale, de pluralisme politique, de redressement économique et de
fortes inégalités sociales. Cela prend du temps de démontrer que préserver
l'environnement va de pair avec améliorer le bien-être et la prospérité des
citoyens.
Après trois
années formatrices, j'ai voulu prendre du recul par rapport aux partis et aux
institutions politiques afin d'approfondir ma recherche - c'est pour cela que
je commence un doctorat sur la politique de l'agro écologie - et afin de mener
des projets concrets dans l'entrepreneuriat et l'associatif.
Aujourd'hui,
je suis très heureux d'être administrateur à Pik
Pik Environnement, association qui fait de l'éducation à l'environnement en
Ile-de-France. Je fais aussi fait partie d'un groupe de jeunes professionnels
et d'étudiants qui a fondé Les Amis de la confédération paysanne Paris, une
association qui soutient l'agriculture paysanne dans la région. Avec ma
collègue Cécile Massé, nous avons lancé une start-up qui s'appelle Croc, un
traiteur local, bio et zéro déchet qui fournit des repas lors de réunions,
d'apéros et de petits événements en Ile-de-France.
La volonté
politique est la clé pour réussir une transition écologique, mais on doit en
faire preuve dans toutes les sphères de la société.
We4Planet – Quelles actions prioritaires
conseillez-vous aux étudiants, particuliers, organisations pour avoir un réel
impact ?
Mon premier
conseil est de lancer ou de rejoindre des projets vertueux sur le plan
environnemental et social, et d'y croire jusqu'au bout. Tout le monde est
capable de porter un projet, que ce soit individuel ou collectif, et de
contribuer au changement positif. Il n'y aura jamais suffisamment de projets
vertueux, donc il faut y aller. Nous entendons souvent des hésitations ou des
paroles décourageantes lors du lancement d'un nouveau projet. Or, tout projet
rencontre des défis et c'est justement ce qui les rend d'autant plus
épanouissants.
Je conseille
deuxièmement de progressivement consommer de manière de plus en plus
responsable. Ce n'est pas simplement pour respecter davantage la Nature, sa
biodiversité et les autres individus qui travaillent pour produire ce qu'on
achète. C'est aussi parce qu'on se sent mieux en le faisant. La réalité est que
la pollution dans la nourriture et dans les biens matériels a un impact négatif
sur notre santé qui est de plus en plus avéré. Que nous le veillons ou non,
tout choix de consommation est politique.
Il y a une
pléthore de solutions pour mieux consommer. Les AMAP,
les marchés, le vrac (à Day
by Day par exemple), les coopératives (dans la nourriture mais aussi dans
l'énergie, comme Enercoop
qui vend que de l'énergie renouvelable), la viande seulement quand on sait
qu'elle est locale et que l'animal a été respecté le plus possible (je mange de
la viande rouge moins d'une fois par mois et quand j'en mange c'est la
fête)...
Mon troisième
conseil est d'aider les autres à s'engager et à s'éduquer. Il y a trop
d'inégalités et de pauvreté dans notre société. Le lieu de naissance,
l'entourage social, le niveau social-économique de la famille et l'origine
ethnique d'un jeune déterminent beaucoup trop sa trajectoire aujourd'hui. Nous
devons sortir de cette injustice. Je considère avoir eu beaucoup de chance
d'avoir grandi dans une famille de classe moyenne avec des parents très éduqués
mais pour qui l'humilité, la persévérance et la frugalité étaient des valeurs
importantes. Je ressens ainsi une responsabilité d'aider d'autres à poursuivre
leurs projets si je peux être utile. En tous cas, j'apprends beaucoup en le
faisant.
La bonne
nouvelle c'est qu'encore une fois, les façons d'aider les autres sont
nombreuses. Si vous ne voulez pas lancer un projet vous-même, les associations
de solidarité, de protection et d'éducation à l'environnement sont nombreuses
mais ont toujours besoin de bénévoles et de soutien.
We4Planet – Que pensez-vous du Project
We4Planet, quelle seraient les actions prioritaires afin d'avoir un impact
concret ?
Je soutiens
fortement WE4PLANET
parce qu'il est primordial de donner plus de visibilité aux solutions de la
transition écologique, sociale et démocratique. La connaissance doit être
accessible pour tous. WE4PLANET
donnera l'occasion de trouver des solutions plus facilement, de centraliser les
informations sur les initiatives innovantes et nouvelles dans le développement
durable. Ceci est la première étape de leur généralisation dans la
société.
La
consommation responsable est un vecteur très important. Lorsque les individus
réaliseront que consommer mieux est non seulement possible mais aussi souvent
moins cher, nous verrons un basculement.